La newsletter Biocoop

Restez informé de nos promotions, actualités et événements en magasin

inscrivez-vous
04 94 65 83 54
logo Biocoop
Biocoop Vallée du Gapeau

Pêcher peu, pêcher mieux

Pêcher peu, pêcher mieux

Le 26/07/2019

Les bouleversements climatiques et la pollution ne sont pas seuls responsables de l’érosion de la biodiversité océanique, la surexploitation des ressources humaines compromet également la survie des espèces, y compris l’espèce humaine. Il y a urgence à agir, à adopter une approche écosystémique de la pêche, une gestion résiliente des ressources marines. C’est possible.

Les bouleversements climatiques et la pollution ne sont pas seuls responsables de l’érosion de la biodiversité océanique, la surexploitation des ressources humaines compromet également la survie des espèces, y compris l’espèce humaine. Il y a urgence à agir, à adopter une approche écosystémique de la pêche, une gestion résiliente des ressources marines. C’est possible.

 

Port de pêche

 

Par Tiphaine Kervaon.
  

Au cours des 40 dernières années, les populations d’espèces marines ont enregistré un déclin de 39 % (WWF, Rapport Planète vivante 2014). La pêche industrielle exploite dangereusement des ressources halieutiques qui devraient pouvoir se renouveler naturellement. Ainsi, elle a diminué la biomasse des grands poissons prédateurs de 80 % en seulement 15 ans de surexploitation (Myers & Worms, 2003). En Europe, des mesures restrictives ont conduit à une amélioration sensible de la situation sur la dernière décennie, mais de nombreuses espèces restent en danger.

Des requins, des raies, le thon rouge, le mérou ou encore le merlu, l’anguille ou l’esturgeon d’Europe sont menacés, comme le révèlent les listes rouges établies par divers organismes en faveur de la préservation des ressources (tel l’INPN, Inventaire national du patrimoine naturel). Face à cette situation, il y a urgence à envisager des solutions. Si une part d’entre elles revient au politique bien sûr, une autre aux professionnels - pêcheurs, conserveries, distributeurs… -, le pouvoir du consommateur est réel. Quel peut être son rôle en matière d’achat responsable ? Voici quatre pistes pour sortir de ces eaux troubles !

 

S’empêcher

Les poissons des grands fonds, plus vulnérables (flétan, grenadier, empereur, etc.), les espèces commerciales surexploitées (comme le thon rouge) et les espèces fragilisées (merlan bleu, hoki) sont à éviter. Pour connaître l’évolution des espèces à protéger, suivre les campagnes d’ONG comme Bloom, Greenpeace et WWF. Garder à l’esprit qu’une espèce menacée dans une zone ne l’est pas forcément dans une autre. Ainsi, la morue l’est en mer d’Irlande, pas en Atlantique Nord-Est.

 

Repérer

Pour le poisson frais, certaines informations doivent être affichées (exemple : la zone de pêche ou le pays d’élevage, la catégorie de l’engin de pêche, la mention « décongelé » si tel est le cas). Pour le poisson sous vide ou en conserve, certains logos indiquent une pêche responsable : pêche durable MSC, Pavillon France, aquaculture responsable ASC. Ou une aquaculture bio : label européen feuille verte. Demander les lieux de débarquement et de pêcherie : environ 50 % du poisson vendu dans le monde est pêché illégalement, sans respect des quotas et saisons.

 

Consommer

Si la consommation de poisson est excellente pour la santé, pas obligé d’en mettre à tous les repas : nous mangeons en moyenne 20 kg de poisson par an et par personne quand la FAO en recommande 8 kg (Situation mondiale des pêches et de l'aquaculture, FAO 2016). Vive le flexitarisme et l’alternance des sources de protéines.

 

Choisir

Nos choix influencent l’offre et, de fil en hameçon, les pratiques. Ainsi, opter pour un bar de ligne plutôt qu’un bar de chalut, c’est un geste pour l’environnement et pour l’homme. Il encourage la pêche de proximité, locale, moins polluante. Oser des espèces moins commerciales (tacaud, petite roussette, etc.), c’est cultiver son goût et baisser la pression sur les espèces surexploitées. Pour les poissons de fond (merlu, morue…), préférer les gros spécimens, c’est inciter à augmenter les tailles légales de capture.

Les différentes techniques de pêche

 

Photo by Ivan Bjelajac on Unsplash

© Ivan Bjelajac on Unsplash

 

  • Engins de pêche actifs

Chalut de fond ou pélagique : filet remorqué en forme d’entonnoir dit pélagique parce qu’il évolue en pleine mer. Le chalutage de fond, pratiqué par d’énormes bateaux, traîne des filets lestés sur les fonds. Méthodes ravageuses pour les fonds marins qui génèrent beaucoup de prises accidentelles.

Dragues : paniers traînés sur petits fonds sont fixés sur une armature munie de dents qui raclent le sédiment.
Sennes tournantes ou coulissantes (bolinches) : filets rectangulaires utilisés en surface encerclent des bancs de poissons ciblés. Sélectives, les sennes ne dégradent pas les habitats marins.

 

  • Engins de pêche passifs

Filets maillants calés (lestés) ou dérivants (non ancrés) : piègent les poissons par les ouïes dans des mailles calibrées en fonction des espèces recherchées. Ils peuvent s’étendre sur des dizaines de kilomètres. Plutôt sélectif, mais les captures accidentelles restent nombreuses et ce qui est prélevé n’est pas quantifiable.
Palangre : ligne sur laquelle pendent de multiples hameçons. Elle peut être flottante ou calée au fond à l’aide d’ancrages.
Casiers : pièges rigides fixes qui attirent les gastéropodes et crustacés grâce à des appâts. L’animal peut aisément pénétrer dans le casier par l’ouverture, ou goulotte, mais très difficilement en ressortir.
Lignes de traîne et à main : dispositif simple, composé d’un ou plusieurs hameçons au bout d’une ligne manuelle ou automatisée, ne dégrade pas les prises ni les milieux.
Pêche à pied professionnelle : vous prendrez bien un seau ?

Sardines

Qu’est-ce qu’un poisson bio ?

C’est un poisson d’aquaculture : saumon, truite, daurade, crevette principalement. Il provient d’un élevage en mer ou en eau douce certifié bio qui suit les cahiers de charges de l’agriculture biologique : alimentation bio (pas d’OGM, pas d’antibiotiques…), milieu de vie cadré (densité limitée…), exigences et traçabilité dans toute la chaîne (pas d’ammoniaque dans la glace maintenant la fraîcheur une fois pêché, pas de polyphosphate…). Chaque étape est notifiée et contrôlée par un organisme indépendant.

  
 

Rencontre avec Didier Gascuel, professeur en écologie marine à Agrocampus Ouest à Rennes

  

Il propose un diagnostic de la surexploitation des mers, et des pistes pour passer de la surpêche à la résilience, dans son ouvrage Pour une révolution dans la mer, Éd. Actes Sud, paru en avril 2019.

 

Qu’appelez-vous pêche résiliente ?

C’est une pêche qui tire parti de tout ce qu’elle sait (recherche, progrès, etc.), pour minimiser son impact sur l’écosystème.
Quel bilan peut-on faire, en cette année 2019, concernant l'océan et ses ressources ?
La situation est enfin en voie d’amélioration en Europe, particulièrement dans les eaux de l’Atlantique Nord-Est, grâce aux mesures restrictives (quotas de pêche, limitation du nombre de navires, etc.) mises en place par l’Union européenne. La pression de pêche a beaucoup baissé en quinze ans, mais cela reste une moyenne. La situation est toujours catastrophique en Méditerranée. La situation de surpêche en Asie est alarmante et de nombreuses flottilles illégales continuent de piller les côtes africaines.

 
Qui a le pouvoir et le devoir de transformer la situation ?

Tout le monde ! Les pêcheurs, en premier lieu, doivent être formés, informés, mobilisés. Quant au consommateur, il doit faire savoir son envie de durable auprès des industriels, en choisissant son poisson, mais aussi auprès des politiques, en signant des pétitions par exemple. Des accords interétatiques sont nécessaires. On parle beaucoup d’agir local, mais agir global, c’est primordial aussi. Si le citoyen et le consommateur se saisissent de ce problème, l’industrie et la politique s’en saisiront aussi.

 

Quelles pratiques de pêche privilégier ?

Il faut privilégier les petites coopératives et l’usage d’engins respectueux des écosystèmes, limiter au maximum les gros engins traînants, qui raclent les fonds, capturent tout sur leur passage, et dépensent beaucoup plus de gasoil.

 

Peut-on trouver un équilibre entre économie et écologie ?

L’équilibre, ça ne suffit pas. L’important, c’est de savoir à quel niveau fixer cet équilibre à court terme, pour le long terme. Il doit y avoir convergence entre les enjeux écologiques et économiques. Des stocks qui périclitent mettent aussi l’activité humaine en danger, et les dirigeants et décideurs ont tout intérêt à prendre conscience des enjeux, à suivre les prescriptions des scientifiques qui tirent la sonnette d’alarme. On a réussi à réintroduire de nombreuses espèces, à redensifier des populations en danger. Si la volonté est là et avec des actions ciblées, on arrive à endiguer bon nombre de phénomènes négatifs. Il faut consolider l’effort.

 
Êtes-vous optimiste ?

Je dirais que ça dépend de nous ! Depuis quelques années, je vois beaucoup de jeunes s’engager sincèrement. C’est à chacun d’agir maintenant pour tirer le curseur vers le haut.

En savoir plus sur la pêche, sujet du Dossier du n° 106 de CULTURE(S )BIO mais aussi de l’article P.44, le magazine de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles, ou à télécharger sur le site de Biocoop.

Retour